Le jardin du Gouverneur

Blotti au pied des remparts de la cité Vauban, l’actuel jardin dit « du Gouverneur » était à l’origine le jardin du couvent des Ursulines, installées dans la ville depuis 1632.

Le jardin sur le plan de l'ingénieur Tardif en 1708

 

 

Les religieuses ursulines habitaient dans un grand couvent (1) situé sur l’actuelle place Médecin Général Blanchard (2). Elles possédaient un verger et cultivaient un jardin potager important proche de celui du couvent des frères Cordeliers (3). 

Comme nous l’indiquent les archives, cet « enclos de terroir » rendait « quelques bois et fourrage » et « ledit jardin et verger » était « suffisant pour l’herbage et fruits nécessaires à ladite maison ».

Le jardin recevait l'eau du canal de ville, actuelle Grande Gargouille (4), qui traversait l’enclos.

 

On construit les fortifications

 

Plan du jardin des Ursulines en 1707 (SHD Vincennes)

 

En 1701, les religieuses se voient privées d’une partie de leurs terrains par la création de l’enceinte Vauban. On accède aux jardins inférieurs par une rampe.

Petit à petit, le terrain est grignoté par les fortifications, tant et si bien qu’en 1717, les religieuses adressent une supplique à Philippe d’Orléans Régent de France : « Les pauvres religieuses représentent à Votre Altesse Royale que depuis le commencement des guerres en ce pays, elles ont souffert de pertes très considérables. Dès l’établissement de leur communauté, elles disposaient d’un terrain étendu. Par un travail laborieux, on avait partagé ce terrain partie en verger, partie en jardin dont elles tiraient un secours essentiel pour leur subsistance… Comme on a pris ledit enclos pour les fortifications, n’ayant plus pour tout agrément que leurs cellules, elles ont recours à votre Altesse Royale, qu’il lui plaise d’ordonner quelque indemnité ».

Malgré tout, en 1723 le chemin de ronde est prolongé. On crée un escalier à vis entre jardins supérieurs et inférieurs et une galerie souterraine sous le chemin de ronde pour le passage du collecteur de la Gargouille.

 

Accès au jardin par une galerie et un escalier à vis

 

De la Révolution au jardin du Gouverneur

Par la loi du 18 août 1792, les religieuses sont expulsées et le couvent devient bien national. Le bâtiment est cédé à l’hôpital en l’an XII. L’édifice menaçant ruine est mis en vente en 1821 et acquis l’année suivante par le directeur des fortifications. Il devient alors l’hôtel du Gouverneur, logement du commandant de la place. Le jardin prend le nom de « jardin du Gouverneur » (5).

 

Le jardin aujourd’hui

Lors de l’aménagement de la place de la Paix (actuelle place Médecin Général Blanchard), le jardin est encore amputé d’une importante partie. Progressivement la place devient une voie de circulation et de stationnement. 

En janvier 2014, un effondrement de terrain a nécessité d’importants travaux complétés par une restauration du rempart dominant le jardin.

 

Fleurs

 

Propriété de la Ville de Briançon, le jardin est aujourd’hui accessible lors des visites guidées. Entretenu par le service des Espaces verts il fait l’objet d’animations pour les scolaires et sert d’écrin à des expositions d’Arts plastiques ou à des manifestations culturelles comme les « Rendez-vous aux jardins ».

 

Jardin du Gouverneur exposition des œuvres de Thierry Ollagnier, 2015

 

Au menu d’un potager au 18e siècle dans nos hautes régions

Les légumes de cette époque se caractérisent par leur rusticité : ils doivent accepter des sols peu riches, des variations de températures importantes, avoir un cycle végétatif rapide et pouvoir se conserver si possible durant les longues périodes hivernales. La gamme de base est donc relativement restreinte : le chou, se déclinant en diverses variétés, les raves, le panais, le navet, le poireau, la blette et la betterave.

 

Potager

 

On cultive aussi les légumineuses : fèves, lentilles …

 

Courge

 

D’autres plantes, aujourd’hui courantes dans nos potagers, en étaient alors absentes. Venant pour la plupart du nouveau monde, elles sont introduites dès le 16e siècle en Europe, mais elles connaissent un long purgatoire, car on leur reproche d’avoir un intérêt culinaire médiocre, voire d’être nocives.

C’est le cas notamment de la pomme de terre et de la tomate. La première est pendant longtemps considérée comme un aliment grossier, tout juste bon pour les prisonniers et les cochons. Dans certaines régions elle a même la réputation de rendre lépreux !

Les difficultés économiques et les efforts des préfets Bonnaire et Ladoucette sous le Premier Empire auront raison des réticences des Briançonnais et la pomme de terre deviendra la nourriture de base de l’alimentation haut-alpine.

 

Tomates

 

La tomate, moins couramment cultivée dans notre région, connaît également une longue période de quarantaine car elle est très vite associée, par sa forme et sa couleur, à sa redoutable cousine, la belladone. Elle n’apparaît dans le catalogue des graines de la maison Vilmorin-Andrieux sous la rubrique des plantes potagères qu’à la fin du 18e siècle.

Les haricots et topinambours, qui viennent aussi du nouveau monde, sont mieux acceptés, encore que la mode du haricot vert ne se répand qu’au 19e siècle.

Le topinambour qui tire son nom de la tribu indienne, les tupinambus, est rapidement apprécié par son goût curieusement semblable à celui de l’artichaut. Il connaîtra lui aussi son purgatoire, après la seconde guerre mondiale, de même que son compagnon de misère le rutabaga.

La salade occupe également une place importante dans le potager. Son usage remonte à l’Antiquité et elle est consommée dès le 15e siècle avec un arrosage d’huile et de vinaigre. Louis XIV en était un grand amateur.

Chaque jardin possédait en général son petit carré de simples, plantes aromatiques et/ou médicinales, qui tenaient un rôle majeur dans la médication de l’époque, pour leurs vertus diurétiques, anti-diarrhéiques, digestives, cicatrisantes : sauge, thym, hysope, persil, estragon, oseille...

 

Les simples

 

 

Écoutez Philippe Delmas sur Fréquence Mistral 

 

Service du Patrimoine - Philippe Delmas

 

À lire aussi

Infos +

Partager cette page