Les magasins à poudre de la cité Vauban

La mise en défense de la place de Briançon à la fin du 17e siècle nécessite la construction de magasins à poudre.

 

Destinés à stocker la poudre noire* pour les canons et les fusils, ils sont conçus de manière à mettre à l’abri des coups de l’ennemi et de l’humidité ce produit particulièrement sensible.

 

Ces bâtiments sont généralement établis sur les fronts les plus abrités. Leur architecture est régie par un plan-type, variant suivant la capacité recherchée.

Les magasins de type Vauban sont des bâtiments rectangulaires aux murs très épais (plus d’1 m 20 ). Un toit à deux pans couvert d’ardoises assure la mise hors d’eau. Une voûte en berceau épaulée de contreforts et un blindage de terre et de dalles de pierre protègent la chambre à poudre.

 

 

 

 

Les barils remplis de poudre reposent sur un plancher de bois. Deux systèmes d’aération sont nécessaires pour éviter que l’humidité ne gâche la poudre : un vide sanitaire sous le plancher et des évents dans les murs permettant l’apport d’air extérieur, mais ingénieusement creusés en chicane, pour empêcher l’entrée des projectiles.

Les clous, gonds et serrures ne sont jamais en fer mais en bronze ou en laiton pour éviter toute étincelle pouvant déclencher l’explosion. Deux fenêtres munies de volets assurent l'entrée de la lumière. Aucun système n’est prévu pour l’éclairage de nuit car aucune flamme ne doit pénétrer dans l’entrepôt. Un garde surveille les allées et venues et le respect des consignes, en particulier l’obligation d’enfiler des chaussures non cloutées.

 

Deux magasins de type Vauban ont été réalisés dans la ville.

 

Le premier, très bien conservé, construit entre 1692 et 1700 au château, est voûté en berceau en plein cintre.  Long de 22 m et large de 14 m, il abritait 56 tonnes de poudre sur deux niveaux.

Le second, dit de la ville, situé à côté de l'actuelle mairie pouvait contenir 55 tonnes. Construit aux mêmes dates, il est voûté en berceau brisé.

 

 

 

 

* La poudre noire pour canons et fusils1

 

 

 

Plus ancien explosif connu, la poudre noire a été mise au point par les Chinois entre le 7e et le 9e siècle. Diffusée à partir du 13e siècle et utilisée pour les armes et les applications industrielles jusqu’au 19e siècle, elle est composée de trois éléments.

Le premier, le soufre,  provenait autrefois le plus souvent des régions volcaniques du sud de l'Italie. 

Le deuxième, le charbon, était fabriqué à partir de bois brûlé. Les branches de bois de bourdaine étaient les plus performantes pour cette production. Pour éviter l’humidité, les braises n’étaient pas éteintes avec de l’eau mais étouffées.

Afin de protéger la fabrication de la poudre, le roi dut à plusieurs reprises réglementer la coupe et la vente de ce bois, également utilisé par les vanniers.

Le troisième élément, primordial, est le salpêtre. Le meilleur au monde, prisé des Hollandais, venait du delta du Gange en Inde. Mais le plus facile à récolter se trouvait sur les murs des caves, des celliers, des granges et dans les étables où il y avait de l'urine. La récolte de ce précieux élément était source de conflits et parfois de violences. Les particuliers ne pouvaient s'opposer à la venue des salpêtriers sous peine d'amende. Les dégradations faites par ces derniers étaient courantes : planchers arrachés, maçonneries détruites et lessivées, lits et meubles renversés, récoltes abîmées, vin gâté...

Au 18e siècle, la poudre ordinaire utilisée dans l’armée était composée de 75 % de salpêtre, de 12,5 % de soufre et de 12,5 % de charbon. Le mélange était battu par des pilons puis séché au soleil ou dans un four. Les moulins, dangereux, étaient installés loin des habitations et près des rivières pour avoir de l'eau en cas d'incendie et pour faciliter le transport par bateau.

En 1886, est inventée la poudre pyroxylée, qui dégage beaucoup moins de fumée et peu de résidus lors de sa combustion et craint moins l'humidité.

 

1 - D'après "La ferme des poudres et salpêtres, création et approvisionnement en poudre en France" (1664 - 1765) - Frédéric Naulet

 

Écoutez Françoise Deshairs sur Fréquence Mistral 

 

Service du Patrimoine - Françoise Deshairs

À lire aussi

Infos +

Partager cette page