La foire aux ovins de Briançon aux 14e et 15e siècles

Ces extraits sont tirés de la thèse de Robert Chanaud :  Le Briançonnais aux 14e et 15e siècles. Aspects de la vie économique - 1974.

L’étude des documents dépouillés pour le travail de thèse de R.Chanaud en 1974 donnent des aperçus précieux sur la vie économique et sociale des Briançonnais aux 14e et 15e siècles.

 

Quelle foire ?

Le bétail :

La quasi absence des brebis permet de penser que la foire de septembre de Briançon est très spécialisée, totalement orientée vers la vente de la viande sur pied.

Les fournisseurs :

Les vendeurs d’ovins viennent du Champsaur, du Dévoluy, de Saint-Crépin, Saint-Eusèbe, Briançon, mais surtout de Vallouise (dans les comptes de cette époque la Vallouise a son nom actuel).

De même, les éleveurs piémontais envoyaient probablement leurs troupeaux estiver dans la haute vallée de la Doire puis les acheminaient vers Briançon au début de septembre.

 

Gravure de Buffon

 

L'évolution de la foire

Fluctuations : 

Les comptes fournissent quelques rares et précieux éléments expliquant les fluctuations des affaires à Briançon ; ainsi en 1410, l’administration delphinale s’est inquiétée de la modicité des recettes ; le commissaire de foire explique que les guerres sévissant en Piémont et la mortalité à Briançon ont découragé les clients, particulièrement les bouchers de Gênes. Déjà en 1398 les marchands piémontais avaient été détroussés ou tués par des hommes d’armes qui leur avaient volé l’énorme somme de 4 000 ducats. En 1437 les acheteurs sont absents « pour cause de la mortalité ou épidémie que on disoit estre audit lieu de Brianczon ».

Ce sont donc des événements accidentels (la peste), extérieurs au Briançonnais (guerres en Piémont) qui expliquent les pulsations irrégulières de la foire de Briançon.

Moutons et agneaux :

Le pourcentage d’agneaux vendus paraît être un bon « thermomètre » de la prospérité de la foire.

L’agneau donne un cuir plus fin et une viande plus savoureuse, mais à poids égal plus chère. Donc en période troublée les marchands qui ont pris le risque de venir à la foire parent au plus pressé : boudant l’agneau ils s’arrachent le mouton qui donne 2 fois plus de viande, pour satisfaire la demande de leur pays où le ravitaillement est difficile. Au contraire en période d’abondance, les bourgeois voudront manger de l’agneau et porter des gants de cuir fin.

Il est intéressant de noter qu’à la fin du 15e les ovins de Briançon sont fournis essentiellement par la Vallouise, et quelques régions occidentales, jamais le versant piémontais. On peut supposer que les éleveurs piémontais qui autrefois envoyaient leurs bêtes estiver à Césane pour les diriger ensuite vers la foire de Briançon, gênés par les troubles militaires ont choisi d’autres montagnes.

En résumé :

Au cours de ce siècle, 4 phases dans l’évolution de la foire de Briançon : de 1385 à 1394 la foire est très prospère et voit affluer en nombre des acheteurs qui repartent avec des troupeaux peu nombreux où les agneaux ont une place égale aux moutons. Puis de 1396 à 1410, avec un répit en 1402, c’est l’inverse : peu d’acheteurs, nombre de bêtes vendues minime, chaque client cependant remmenant un troupeau assez considérable constitué surtout de moutons. Dès 1413 et jusqu’en 1437 la situation s’améliore et se stabilise à un niveau intermédiaire, avant la chute brutale de 1438. Désormais la foire est moribonde, les marchands peu nombreux achètent des moutons, en petit nombre, gênés par la hausse de la gabelle.

           

Les acheteurs

 

Le Kalendrier des bergers gallica bnf

 

Qui sont-ils ?

Ce sont des marchands qui, s’ils sont plus souvent seuls, sont parfois 2 ou 3 pour effectuer leurs achats. On trouve des exemples de tout petits acheteurs et de très gros. Le record d’ovins acquis en une seule fois, 2230 bêtes, étant le fait de Guillaume d’Alexandrie ou Milenez (le Milanais ?) en 1436.

Gros acheteurs et acheteurs fidèles :

Deux sortes de marchands ont une importance particulière pour la foire : ceux qui achètent un gros troupeau, ceux qui viennent souvent.

Il est intéressant d’observer les acheteurs fidèles qui sont en même temps de gros acheteurs : ils boudent décidément l’agneau. L’agneau semble être le fait des « gagne petit ».

Les habitués de la foire ne forment pas la majorité des acheteurs, mais leur influence est bien plus considérable que celle de clients épisodiques, même ayant de gros moyens. Et il semble que leur fidélité ne se soit pas démentie, même aux moments les plus critiques. La permanence de cette clientèle est claire jusqu’au bout; elle aura sans doute la dernière à abandonner vers 1460-1480.

D’où viennent-ils ?

D’où proviennent ces marchands aussi assidus et au bel appétit commercial ?

D’Italie, on l’aura deviné. La foire de Briançon est essentiellement tournée vers le Piémont. Il est donc probable que les ovins de Briançon sont d’une part destinés à l’alimentation des villes de la moyenne plaine du Pô, d’autre part redistribués vers Gênes.

La foire de Briançon sera par la suite détrônée par des foires probablement piémontaises d’accès plus facile pour les marchands piémontais et leurs clients génois.

 

Gravure de Buffon

 

La désaffection pour la foire de Briançon a eu de profondes répercussions sur la vie rurale du Briançonnais. Elles ne sont cependant peut-être pas aussi catastrophiques qu’on l’imagine. On ne peut admettre que l’élevage, nécessité vitale et source de revenu ait régressé en Briançonnais au moment où il se développe dans toute l’Europe. La perte de prestige de la foire de Briançon, ravalée au rang de marché régional, et l’abandon probable des montagnes de Césane par les troupeaux piémontais ont probablement obligé les habitants à conduire leurs bêtes sur d’autres foires plus lointaines, sans affecter sensiblement leur genre de vie.

En revanche, privés des échanges qui leur avaient permis de racheter leurs redevances, ils ont beaucoup plus de difficultés à acquitter la rente qui les remplace.

 

 

Service du Patrimoine - Véronique Faucher d'après : Le Briançonnais aux 14e et 15e siècles. Aspects de la vie économique. R.Chanaud - 1974. 

 

 

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